On dépèce les chevaux
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la fin de l'Allemagne nazie
manger dans berlin en 1945
on dépèce les chevaux dans Berlin en 1945
Devant les risques de pillage, beaucoup de commerçants prirent les devants : plutôt que de voir leurs magasins mis à sac par une populace en délire, ils préférèrent liquider leurs réserves et distribuer leurs marchandises sans même demander en échange ni tickets de rationnement ni argent. Il y avait d'ailleurs une autre raison à cela : ils avaient, en effet, entendu dire que, lorsque les Russes tombaient sur des stocks dissimulés, ils incendiaient le magasin.
Même pour les pillards, la viande se faisait rare. Au début, certains bouchers disposaient encore de quelques stocks qu'ils distribuaient parcimonieusement à des clients de choix, mais cela aussi disparut. Un peu partout dans les rues, les Berlinois se mirent à dépecer les chevaux tués par les bombardements. Charlotte Richter et sa soeur virent des gens armés de couteaux équarrir un cheval gris-blanc qui avait été tué sur la Breitenbach Platz.
« Le cheval, constata Charlotte, n'était pas tombé sur le flanc. Il était comme assis sur son arrière-train, la tête droite, les yeux grands ouverts, et il y avait des femmes qui taillaient dans ses jambes avec des couteaux de cuisine. »

Elfriede Maigatter entendit dire que la foule était en train de mettre à sac les grands magasins Karstadt, sur la Hermannsplatz. Elle s'y précipita : c'était une cohue invraisemblable. « Tout le monde poussait et donnait des coups de pied pour essayer d'entrer », raconta-t-elle ensuite.
« Il n'y avait plus de queues, plus de vendeuses,, plus de responsables. Les gens agrippaient tout ce qui se trouvait à portée de la main. Si l'objet se révélait inutile, ils le laissaient tomber par terre, tout simplement. Au rayon de l'alimentation, on marchait sur une cou che de boue gluante, épaisse de plusieurs centimètres, et faite de lait condensé, de confiture, de pâtes, de farine, de miel, de tout ce que la foule avait renversé ou abandonné sur place.

Maintenant, la ville se mourait. En beaucoup d'endroits, l'eau et le gaz étaient coupés. Les journaux cessaient de paraître l'un après l'autre. Peu à peu, la circulation devenait impossible : les rues étaient impraticables, l'essence rare, et les véhicules tombaient en ruine. Les livraisons n'étaient plus assurées, les machines frigorifiques s'arrêtaient.
Le 22 avril, le bureau télégraphique de Berlin, qui avait cent ans d'âge, cessa toute activité, pour la première fois de son histoire. Le dernier message reçu parvenait de Tokyo. Il était ainsi rédigé : « Bonne chance à vous tous. » Le même jour, le dernier avion quittait l'aérodrome de Tempelhof à destination de Stockholm avec neuf personnes à son bord. Quant aux 1 400 compagnies de sapeurs-pompiers berlinoises, elles furent, sur ordre, déplacées vers l'ouest .
Et maintenant que toutes les forces de police avaient été versées dans l'armée ou dans la Volkssturm, la ville échappait peu à peu à toute autorité. Les pillages commencèrent. En plein jour, des trains de marchandises immobilisés dans les gares de triage furent mis à sac.
Les commerçants qui ne voulaient pas servir leurs clients se virent parfois obligés de le faire. Hans Küster, membre des Jeunesses hitlériennes, entra avec sa tante dans une épicerie et demanda diverses denrées. Comme le commerçant prétendait qu'il ne lui restait qu'un peu de flocons d'avoine, Küster sortit son pistolet et exigea d'être servi. Soudain empressé, l'épicier lui présenta des victuailles qu'il sortit littéralement de sous son comptoir. Küster en prit autant qu'il put en porter et sortit du magasin. Sa tante était scandalisée.
— Tu es un impie ! cria-t-elle dès qu'ils furent sortis. Voilà que tu prends les méthodes des gangsters américains, à présent !
— Ah ! la ferme ! répliqua Klaus. Maintenant, c'est une question de vie ou de mort.

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La bataille de Berlin